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Prête-moi ta main.


Le prêt de main d’œuvre est un dispositif légal de transfert de salariés entre deux entreprises d’un même secteur pour une durée déterminée. Il est présenté par le législateur français comme, d’une part, une alternative au chômage partiel ou au licenciement économique pour l’entreprise prêteuse (notamment lors de tensions conjoncturelles temporaires) et, d’autre part, comme une facilité de recrutement pour l’entreprise utilisatrice (en particulier dans certains secteurs en tension). Deux principes sous-tendent ce dispositif: le prêt ne doit pas avoir de but lucratif (bien que la masse salariale soit allégée, l’entreprise prêteuse ne doit pas avoir comme objectif de tirer des profits) ; et le salarié en question doit exprimer explicitement son accord (s’il refuse, il ne peut pas être sanctionné).

L’accord du salarié représente donc le point de départ d’un processus rigoureusement formalisé et réglementé. L’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice doivent ensuite signer une convention précisant la durée du prêt, l’identité et la qualification du salarié, la mission etc. Une information ou consultation des institutions représentatives du personnel des deux entreprises est nécessaire avant que le salarié signe un avenant au contrat de travail. A l’issue de cette période de prêt (12 à 18 mois maximum), le salarié retrouve son poste de travail initial, sachant qu’il est resté juridiquement attaché à son entreprise d’origine durant la période de prêt. Pour l’utilisation de ce dispositif, une « scène archétypale » serait donc composée de cinq acteurs : l’entreprise prêteuse, l’entreprise utilisatrice, le salarié, les institutions représentatives du personnel et enfin, l’Etat. D’après un article paru dans The Conversation, en plus des avantages structurels et organisationnels qu’offre ce dispositif du point de vue des entreprises, une étude met en évidence que les salariés perçoivent ce dispositif comme un moyen pour développer leur expérience dans un environnement différent, de sortir de leur zone de confort et de développer leur autonomie tout en bénéficiant de la sécurité du retour dans l’entreprise d’origine.

Contrairement à beaucoup d’autres nouvelles pratiques managériales, ce dispositif a une provenance législative et l’Etat encadre rigoureusement sa mise en œuvre. Toutefois, les entreprises semblent s’être peu appropriées de ce dispositif, par méconnaissance ou réticence. Le chômage partiel et le licenciement économique semblent représenter des pratiques plus courantes dans le monde des affaires, bien que leurs conséquences sociétales soient plus graves. Dans ce contexte, le prêt de main d’œuvre serait présenté comme une solution évitant la faillite de certains secteurs ou les délocalisations.

Avis de l’Observatoire : le prêt de salariés est encadré par la loi. Le code du travail français est particulièrement protecteur des droits des salariés. Il pose question d’un point de vue organisationnel et de gestion des ressources humaines. Par exemple, les problématiques d’intégration des nouveaux collaborateurs se posent-elles dans les mêmes termes pour l’arrivée d’un nouveau collaborateur « temporaire » (mais pas en situation précaire) ? Quel est l’impact de ce type de dispositif sur la culture et sur les compétences ? Il est probable que le dispositif ait de bonnes propriétés à ce niveau : enrichissement des compétences par le biais de transferts possibles (limités dans le temps néanmoins), « rafraichissement » des contextes organisationnels accueillants et de la carrière du salarié « prêté », ouverture à d’autres cultures organisationnelles, etc. De plus, nombreux sont les travaux qui ont montré les vertus de la différence dans une dynamique de groupe sur sa capacité à être créatif. Le prêt de salarié permet de générer de la différence et impacte donc les dynamiques de groupe.

Sur un plan plus macroscopique, le prêt de salarié peut aussi traduire de nouvelles formes de partenariats entre entreprises et s’inscrire dans des collaborations fertiles et inédites. Nous imaginons que ce dispositif puisse être mis en place entre organisations appartenant à des univers différents et ces échanges de salariés peuvent faire émerger des synergies singulières et auxquelles personne n’avait pensé.

Naturellement, dans la ligne de cette idée, il peut être mis en avant que le prêt de salarié ne convient pas à tous types de contexte et à tous types de métier. En effet, le transfert temporaire de salarié nécessite une adaptabilité forte du salarié et une capacité à s’intégrer rapidement dans un contexte différent. Au passage, le salarié transféré accroît ce type d’habileté.

L’étiquette de ce dispositif (le « prêt ») peut amener à un positionnement plus critique. A quel point les salariés constituent-ils une main d’œuvre « échangeable ». Cependant, le dispositif légal est très encadré et il ne semble pas que les entreprises aient eu envie de s’engouffrer massivement dans ce dispositif.

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