Strategy as Practice
La stratégie a d’abord été appréhendée sous l’angle des choix contribuant à développer un avantage concurrentiel durable ou de la définition d'un état désiré à atteindre. L’atteinte de cet état désiré est néanmoins complexe, les choses se déroulant rarement comme prévu. Les théories et outils traditionnels s'avèrent inopérants. La perspective Strategy as Practice (SaP), formalisée à la fin des années 1990 par R. Whittington et principalement nourrie de travaux européens, s’intéresse à la formation de la stratégie au travers de l'étude des interactions entre praticiens, pratiques et pratiques stratégiques (Jarzabrowski, 2003 ; 2004 ; 2005). SaP appréhende simultanément les pratiques d’élaboration de la stratégie et sa mise en œuvre. SaP reconsidère le processus stratégique et place au cœur de la démarche les pratiques des acteurs, soulignant ainsi l'importance de certaines questions négligées par les approches antérieures : traduction de la stratégie en action, déploiement au sein de l'organisation, rôle des acteurs notamment. Plus précisément, la 'pratique' dans SaP renvoie à 5 acceptions possibles (Rouleau, 2013) : l'action managériale, un ensemble d’outils, la connaissance, des ressources organisationnelles ou un discours global. La stratégie, étudiée au prisme des pratiques, y est ainsi vue comme une pratique sociale dans laquelle le rôle des acteurs est central (Whittington, 1996). L’approche met l’accent sur les processus pratiques et les activités quotidiennes et replace l'acteur au cœur de l’activité stratégique alors qu'elle était auparavant placée à un niveau supérieur, celui de l'organisation. La pratique est indissociable de l’individu, elle s’inscrit dans un quotidien organisationnel et dans des routines. Il s’agit donc d’étudier les activités les plus fines des individus ayant un impact sur la stratégie de l’organisation. Dans cette perspective, la stratégie concerne donc tous les niveaux de l'organisation et non exclusivement le top management, y compris dans sa formulation.
Avis de l’Observatoire : la littérature portant sur la stratégie a initialement mis l’accent sur l’acquisition et le développement d’un avantage concurrentiel durable. La formulation de la stratégie est présentée par les premiers travaux sur la stratégie comme la résultante, telle que proposée par le modèle LCAG dans les années 1960, d’une confrontation d’un diagnostic interne et externe. Dans les années 1980, certains auteurs mettent en perspective la complexité des processus d’évolution de la stratégie (voir par exemple Robert Burgelman), pointant l’existence de processus autonomes, émanant des acteurs, en parallèle des processus plus classiques. La perspective SaP postule que la stratégie se construit dans la pratique et se nourrit des interactions sociales, tout acteur de l’organisation étant susceptible de l’influencer. Cette approche rompt avec les approches classiques de la stratégie, appréhendée sous l'angle de la planification ou comme un processus descendant délibéré. Elle invite également à repenser la pratique stratégique et laisse la place au bricolage organisationnel, à la créativité ou la transformation, simplification des outils au service de la stratégie.