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M-Lab a testé ... le Delegation Poker


La délégation. Un thème majeur en management. Savoir ce qu’un manager peut ou doit déléguer est une question récurrente, fondamentale, complexe. L’organisation est un univers réglé où les responsabilités et rôles de chacun sont définis. Dans certains cas, les règles prévoient des délégations possibles, officielles : des transferts de responsabilités et d’autorité (pour ne pas rompre un lien supposé nécessaire entre autorité et responsabilité) entre membres de l’organisation. Dans de nombreux cas, la délégation est aussi un espace de liberté du manager qui peut transférer de sa propre initiative une partie de l’autorité que l’organisation formelle lui confère.

L’équipe de recherche en management M-Lab, de l’Université Paris-Dauphine a testé un jeu proposé aux équipes pour travailler sur la délégation et propose un court retour d’expérience.

Le jeu appelé « Delegation Poker » est conçu et distribué par Management 3.0. Il a un substrat technique très simple : un jeu de cartes composé de 7 types de cartes dont les noms évoquent des niveaux de délégation d’autorité :

1. ‘Tell’ (dire) : vous, en tant que manager, prenez la décision.

2. ‘Sell’ (vendre) : vous prenez la décision mais vous essayez de persuader les autres d’adhérer.

3. ‘Consult’ (consulter) : vous prenez les avis de l’équipe avant de prendre la décision.

4. ‘Agree’ (s’accorder) : vous prenez la décision avec l’équipe.

5. ‘Advise’ (conseiller) : votre équipe prend la décision mais vous essayez de l’influencer.

6. ‘Inquire’ (rapporter) : votre équipe prend la décision et vous la rapporte ensuite.

7. ‘Delegate’ (déléguer) : vous laissez l’équipe prendre la décision et ne l’influencez pas.

Le jeu se joue, l’équipe réunie au complet, responsable de l’équipe compris (de fait, le jeu fonctionne plutôt avec des équipes de petite taille). Chaque membre de l’équipe dispose de 7 cartes, les 7 niveaux de délégation décrits plus haut. Une situation de management est présentée à l’équipe (par un facilitateur qui a préparé le jeu, par exemple). Chaque membre de l’équipe réfléchit pour savoir ce qu’il ou elle, choisirait comme niveau de délégation si il ou elle était en situation de responsabilité de l’équipe. Puis, les cartes choisies par chacun sont posées sur la table en même temps. On regarde lequel des 7 types de carte a obtenu la majorité des « voix ». Ceux ou celles qui ont effectivement choisi la carte majoritaire remportent le nombre de point correspondant (par exemple, si 3. ‘Consult’ est majoritaire, alors celles ou ceux qui ont choisi cette carte obtiennent 3 points). Le jeu recommence sur une autre situation de management et ainsi de suite. A la fin du jeu, le gagnant est celui qui obtient le plus grand nombre de points.

M-Lab a joué sur une douzaine de situations de management : la rédaction du prochain rapport d’activité de l’équipe, se porter volontaire pour être l’équipe auditée lors de la prochaine accréditation ou encore la programmation des réunions pour l’année à venir.

A chaque situation de management, après le vote, l’équipe a pu échanger. Le jeu recommande de laisser beaucoup de place à l’échange. Chacun (les minoritaires en particulier) a pu exprimer son point de vue. On a pu voir qu’un effet d’apprentissage se mettait en place puisque progressivement, les majorités étaient de plus en plus importantes et les « votes » de moins en moins dispersés.

Avis de l’Observatoire : d’abord, incontestablement, le jeu, parce que particulièrement simple, a la bonne propriété de faire s’amuser l’équipe. Les situations de management ont été choisies pour être concrètes et très réalistes et les votes parfois très hétérogènes ont montré des visions extrêmement variés et décalées. Naturellement, ce test renvoie à une réflexion plus globale sur les jeux sérieux, pris au sens large d’un support dont la finalité n’est pas le divertissement (mais le divertissement peut aider), mais d’améliorer une pratique, d’intégrer ou de faire passer un message (de façon explicite ou non), d’encourager certains types de comportements en contexte organisationnel ou encore d’évaluer ou de stimuler des interactions. Le test a mis en évidence selon nous les points forts et les limites du jeu (de ce jeu en particulier, car notre test n’a porté que sur un jeu et n’a pas prétention à concerné toute expérience de jeu en organisation).

L’une des forces du jeu réside dans la stimulation de l’échange autour des pratiques de management : se servir de ce support pour débattre et échanger sur les représentations que chacun des membres de l’équipe se fait d’une pratique de management. Le manager, présent lors du jeu et joueur à part entière, participe à l’échange et donne aussi sa vision des choses. Dit autrement, le gain dans le jeu a un intérêt mineur ; le dialogue et le partage de points de vue constituent la finalité. Une autre force tient à la dimension conviviale et amusante que le jeu peut introduire si l’on décide de travailler sur des situations de management, un peu extrêmes ou archétypales. Enfin, l’un des attraits les plus frappants est qu’il permet de réinterroger les fondamentaux du management : les basiques.

Le jeu a ses limites. D’abord, il est inévitablement un peu caricatural. Les 7 cartes sont des positions très tranchées et les situations de management sont des versions simplifiées du quotidien du management. Ensuite, comme toute mise en situation fictive, elle décontextualise excessivement les situations de management et fait l’hypothèse que des choix de comportements dans la situation du jeu seraient les mêmes que dans la « vraie réalité ». Par ailleurs, le jeu est biaisé par le fait que, pour le manager, accepter de faire jouer ce jeu à l’équipe, c’est déjà montrer un certain type d’ouverture et donc c’est une manifestation d’un style de management qui au moins laisse une place à la parole de chacun. La théorie XY montre qu’un effet auto réalisateur peut être activé ici : les membres de l’équipe font des choix et prennent des décisions dans le jeu du fait d’un certain style de management de leur responsable. Enfin, le jeu ne fait pas table rase du passé. Lorsque l’équipe joue, elle le fait, ayant emmagasiné conflits, succès, échecs, etc. Ce qui se passe dans le jeu est aussi la résultante de tout cela. Dit autrement, le jeu est aussi un espace pour faire passer des messages, prendre une revanche, régler des comptes, ou au contraire un espace totalement inhibiteur où compte tenu du passé, des choses peuvent restées non explicitées.

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