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Le management zen


La « Mindfulness » est une pratique de méditation fondée sur le recentrage de l’attention sur le moment présent débarrassé de jugement positif ou négatif sur ce que l’on vit. Elle a été formalisée et pour partie théorisée par Jon Kabat Zinn, professeur de la faculté de médecine de l’Université du Massachussetts, à partir de 1979. Aujourd’hui, cette technique semble se diffuser à grande vitesse, dans de grandes entreprises comme Allianz, L’Oréal ou encore Air France.

Les formations à la Mindfulness sont assurées par des organisations et des formateurs certifiés MBSR (Minfulness Based Stress Reduction), certification obtenue dans le cadre d’un programme élaboré par le Center for Mindfulness in Medicine, Health Care and Society de la faculté de médecine de l’Université du Massachussetts.

La formation à la Mindfulness promet des bénéfices potentiels multiples par rapport à la gestion du stress au travail, le bien-être et l’intelligence émotionnelle et collective, entre autres. Elle peut prendre la forme de cycles d’apprentissage (6 à 8 semaines), d’ateliers thématiques ou de conférences expérientielles. Dans le cycle d’apprentissage, les salariés sont formés à différentes techniques portant sur : les différentes postures possibles (assise ou allongée), la respiration, le scan corporel, l’entrainement plus général de l’attention, composante de la cognition humaine.

La Mindfulness est présentée à la façon d’une technique faiblement consommatrice de ressources : une salle vide et un aménagement raisonnable du temps de travail suffisent pour que la Mindfulness soit pratiquée dans les entreprises.

Le type de méditation proposé par la Mindfulness s’inspire de la sagesse bouddhiste, vantant les bienfaits provenant du sentiment d’unité entre le corps et la conscience, mais elle est aussi présentée comme une technique universelle et surtout, efficace sur le lieu de travail.

Avis de l’Observatoire : la Mindfulness a un statut particulier dans l’univers des objets de management potentiellement innovants. Il y a au moins deux raisons à cela. En premier lieu, il ne s’agit pas d’une technique de management au sens « usuel » du terme : cela ne concerne pas directement la coordination, la communication, la coopération, l’intégration, la gestion des opérations, les processus, etc. Bref, il ne s’agit pas d’une pratique dont la promesse est directement liée à l’action collective organisée. En second lieu, la méditation est basée sur une rhétorique qui met en jeu l’individu, les émotions, le ressenti personnel, etc. La croyance en l’efficacité de cette pratique est une question en rapport avec l’intime. La situation du management dans ces champs n’est cependant pas une nouveauté. Nous pouvons nous en convaincre en évoquant ici le foisonnement : des approches sur l’intelligence émotionnelle, des modèles et outils de classification sur la base de profils ou traits de personnalité comme le MBTI, ou encore des grilles d’analyse des situations à base des registres psychanalytiques de l’analyse transactionnelle d’E. Berne.

L’importance de l’offre de formations à la Mindfulness est intéressante en elle-même. Certes, elle est probablement liée à un effet de mode passager (et l’objet d’un éco système d’affaires…). Cependant, plus fondamentalement, elle montre un certain état de notre rapport au travail et du caractère parfois destructeur des situations professionnelles. Elle est également au cœur de contradictions importantes. L’épanouissement individuel au travail a depuis longtemps été identifié comme l’un des moteurs de la motivation et de l’engagement. Pourtant, un grand nombre de systèmes et pratiques de management ont totalement évacué la dimension personnelle et subjective du management. Le retour à l’autonomie est présenté comme un enjeu capital des prochaines années et pourtant, la réflexivité des managers est peu stimulée dans leurs parcours de formation (que dire, ainsi, de l’absence frappante de cours de philosophie dans la plupart des Business Schools).

Un débat doit être soulevé. La méditation a t-elle sa place dans l’entreprise ? D’une certaine façon, former les salariés à la Mindfulness, c’est pénétrer la sphère privée et intime de leurs émotions, de leur rapport à leur individualité. Au nom d’une séparation entre les sphères professionnelles et privées, la formation à la Mindfulness pourrait être perçue comme une tentative d’invasion d’un espace dans lequel l’entreprise n’est pas la bienvenue. L’antithèse de cela serait que l’on peut voir dans la formation à la Mindfulness une forme de bienveillance à l’égard du salarié ou une tentative d’attention portée aux implications émotionnelles, psychologiques, personnelles des situations de travail. Dit autrement, former à la Mindfulness pourrait être vu comme une façon d’admettre (et de vouloir « traiter ») : les pressions, le caractère oppressant du travail, ses éventuels impacts sur la santé psychologique du salarié.

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