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Intégration (Mary Parker Follett)

L’activité de management suppose une infrastructure de pensée qui, notamment, concerne la forme que prennent les interactions entre les individus d’un groupe. Sur le premier tiers du 20ème siècle, Mary P. Follett a développé un édifice théorique et conceptuel complet qui place l’individu au cœur de la démocratie et du management. Dans les organisations, comme au cœur de petits groupes ou dans la société en général, les individus partagent une seule et même situation (la situation totale) et, des dynamiques d’interactions et d’interdépendance infinies expliquent les comportements de chacun. Dans ce cadre, les différences entre individus nourrissent les processus d’interaction sociale et le conflit (pris au sens de l’existence de différences entre individus et non nécessairement d’une opposition frontale entre ceux-ci) est constructif en ce qu’il permet d’alimenter des processus créatifs et de progrès. C’est pour décrire ces processus que Follett introduit le concept d’intégration. Il y a ainsi, selon Follett, plusieurs façons de traiter les conflits : la domination, le renoncement, le compromis et l’intégration. La domination consiste en le fait que dans un conflit entre deux individus, l’un parvienne à tirer avantage personnel de la situation et à obtenir ce qui satisfait son intérêt en particulier. La domination est une modalité de traitement du conflit radicale et facile : c’est d’ailleurs, selon Follett, la modalité vers laquelle les individus se tournent le plus souvent. Le renoncement est proche de la domination : l’une des parties abandonne et renonce à tenter de trouver dans le conflit une issue qui lui soit favorable. Le compromis est une situation peu satisfaisante en dépit des apparences. Elle conduit à des situations dans lesquelles aucune des parties ne trouve pleinement satisfaction. La solution compromissoire est le fruit d’un ajustement quantitatif tel que la quantité de désirs à laquelle l’une des parties renonce est à peu près équivalente à la quantité de désirs à laquelle l’autre partie renonce également (ou non si le compromis n’est pas entièrement équitable). De la sorte, toutes les parties sont perdantes et les différences entre elles ne sont pas réconciliées au travers de solutions qui permettraient de les satisfaire toutes : le conflit persiste et n’est pas source d’enrichissement mutuel. L’intégration, elle, l’est : par le biais d’interactions entre les individus et d’ajustements, des idées nouvelles émergent et ces idées sont de nature à permettre de trouver des solutions qui satisfont simultanément et entièrement toutes les parties. Follett parle de conflit constructif car les différences entre individus ont conduit à créer des solutions nouvelles non compromissoires et totalement satisfaisantes pour tous. L’intégration n’est donc pas tant le résultat final que le processus lui-même.

Avis de l’Observatoire : l’intégration est un concept clef en management. Il est d’ailleurs utilisé dans beaucoup de contextes pour désigner des réalités diverses : une option stratégique possible pour une firme (intégration des fournisseurs par exemple), un type de démarche de mise en cohérence et d’articulation des différentes composantes d’un système d’information, le processus RH d’accueil des nouveaux recrutés, etc. L’intégration a par ailleurs souvent été considérée comme l’un des rôles clefs des managers (cf. l’utilisation explicite du terme par Drucker, Mintzberg, Lawrence, Barnard ou encore Odiorne). Cependant, Follett fournit un cadre de pensée qui n’a pas vocation à servir uniquement l’activité de management. La conception de l’intégration qu’elle développe théorise une forme générique d’interaction sociale qui revisite potentiellement la conception que l’on peut avoir de la vie en groupe, de la démocratie, du pouvoir ou encore du droit. Elle est en rupture avec la vision taylorienne de l’organisation et encore aujourd’hui. Nous pouvons dire que la notion de « pouvoir avec » (issue de son édifice théorique) qui se substitue à celle de « pouvoir sur » serait une véritable rupture dans une histoire hypothétique des philosophies de management. Follett est aussi inscrite dans son époque et son contexte culturel et social. O. Sheldon en 1923 écrit que le manager est au service de la communauté et invente sans la nommer la responsabilité sociale des entreprises. C’est à la même époque que Follett développe le concept d’intégration.

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