Management de la diversité
Le Management de la diversité (courant du Diversity Management ou DM) est entré initialement dans le monde de l’entreprise, aux Etats-Unis, dans le prolongement de la loi sur les droits civiques (1964). Il a gagné rapidement la Grande Bretagne avec le vote d’une série de « Race Relations Acts » de 1965 à 2000. En France, L’engouement pour le DM s’est traduit d’une part par le lancement de certifications, de labels, de chartes…impulsés par le MEDEF, le CJD, les Chambres des Métiers ou d’associations très proches comme l’ANDRH, l’AFMD (Association Française des Managers de la Diversité) ou l’Institut Montaigne et d’autre part, par la création de structures dédiées. Depuis plusieurs années maintenant, Total a mis en place un « Conseil de la Diversité », Casino un « Comité Diversité », l’Oréal une « Direction Mondiale de la Diversité » etc. La notion a désormais une charge positive importante qui laisse espérer un fort rendement managérial pour les innovations liées au paradigme du DM (la charte de la diversité lancée en France en octobre 2004 à l’initiative de C. Bébéar et Y. Sabeg fait figurer parmi ses enjeux : l’optimisation de la gestion des ressources humaines et l’augmentation de la performance économique).
L’engagement en faveur de la diversité est donc porté par les représentants des milieux économiques et par les détenteurs du pouvoir politique (création d’une Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) par une loi du 30 décembre 2004, et nomination d’un Commissaire à la diversité et à l’égalité des chances par un décret du 17 décembre 2008). Notons que le législateur français avait d’une certaine façon antérieurement abordé le sujet par le biais de deux lois visant deux dimensions particulières de la DM : le handicap (loi du 30 juin 1975) et le genre (loi Roudy du 13 juillet 1983).
Les recherches académiques ont également contribué à faire exister un nouveau paradigme lié à la diversité. La théorie de la diversité postule que l’entreprise est plus performante et plus juste socialement (Thomas et Ely, 1996). Le mot ‘diversité’, en management, est polysémique. Il désigne à la fois un état – la structure des effectifs – et à la fois, un processus - le management dynamique des différences. Tel qu’abordé par l’académie, le DM concerne donc, d’abord, les caractéristiques démographiques du personnel et ses particularités sociologiques. Ainsi entendue, la diversité augmente la complexité du système entreprise, mais également sa variété, c’est à dire le nombre de situations auxquelles il est capable de faire face, propriété de nature à améliorer sa flexibilité et donc sa capacité de survie. Le DM, concerne ensuite une combinaison originale de pratiques de gestion permettant, dans un environnement de travail équitable – où aucun groupe ou individu n’est favorisé ou désavantagé – d’intégrer dans le projet commun une main d’œuvre hétérogène utilisée à son potentiel maximal.
Avis de l’Observatoire : les enquêtes dans le domaine nuancent la couleur positive de l’idéologie managériale que contient tacitement le DM. Si certaines études montrent que les différences démographiques du personnel (ethnicité, handicap, religion etc. ) ont des conséquences positives sur la satisfaction, le comportement citoyen, le bien-être…, d’autres révèlent des conséquences plus négatives, notamment en terme de prévalence des conflits (inter-groupes, relationnels, organisationnels).
Gérer la diversité implique nécessairement un travail de classification des individus. Celle-ci peut porter les germes de l’exclusion, de la ségrégation, de la marginalité (ex : certains employés ne souhaitent pas être reconnus comme travailleurs handicapés). En France, de ce point de vue, les recherches ont leurs limites lorsque l’on sait que la production de statistiques sur les différences raciales, ethniques, etc. est drastiquement encadrée par la loi.
Par ailleurs, le DM réduit la diversité à une seule dimension de l’identité (femme, handicapé, maghrébin …) alors que les études en sociologie montrent la complexité des stratégies identitaires et la diversité des parcours de socialisation qui ne permettent pas de résumer l’identité à une seule dimension. Le management de la diversité impose une classification de chacun de l’extérieur, par autrui (ex : le DRH) et diffère de « l’identité pour soi ». Par exemple, le cadre d’origine maghrébine qui ne souhaite pas d’aménagement de la part de l’entreprise en période de Ramadan : « je suis athée, pourtant, on me propose systématiquement de sortir plus tôt en période de ramadan ». Enfin, le choix identitaire d’un individu se fait par rapport à un contexte social donné et peut évoluer. Les tenants de la diversité, en remplaçant les différences économiques par des classifications identitaires fondées sur les origines, le genre, la religion, le handicap… cherchent à légitimer l’idée que dans un monde sans discriminations (liées à nos préjugés) il n’y aurait plus d’injustices. Les inégalités n’auraient plus qu’une origine : les différences de mérites (Mickaels, 2009).
Mais, aborder les problèmes des inégalités sous l’angle uniquement des préjugés individuels ne permet d’expliquer que très partiellement les inégalités sociales constatées (disparités démographiques très fortes dans les fonctions et les secteurs d’activité aux conditions de travail difficiles). De ce fait, le management de la diversité occulte en partie les violences symboliques et réelles produites par les inégalités socio-économiques et ses rapports de domination sous-jacents.