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Management financiarisé

Tout au long des années 60 et 70, la finance a pris de plus en plus d’importance dans nos sociétés, notamment via le développement d’outils de plus en plus financiers (calculs des coûts, procédures de choix d’investissement, budgets, indicateurs et tableaux de bord, cash-flows…). Ces outils ont notamment permis de produire à moindre coût.

L’apparition des changes flottants ont permis le développement d’une industrie de la finance et la généralisation de nouveaux outils pour sécuriser la valeur des actifs. Les chocs pétroliers des années 70 ont profondément modifié les conditions concurrentielles des entreprises occidentales, nécessitant la mise en place d’importants plans de restructurations, conduisant au développement du chômage de masse. Ces restructurations se sont appuyées sur les outils financiers car s’il s’agissait de serrer les marges. D’où à mon avis, l’apparition d’une ambiguïté associant restructuration et finance alors que le problème venait plutôt de la fin des trente glorieuses, rendu évidente par les chocs pétroliers. La société n’était toutefois pas encore en phase de financiarisation.

Il en va tout autrement des évènements qui se produisent à partir du début des années 80. La montée du libéralisme économique (en réaction au gauchisme des années 70) s’accompagne d’une ouverture et d’une déréglementation des marchés financiers. En nous limitant au cas de la France, on note :

  • La création des SICAV et FCP qui popularise l’investissement boursier et attire l’épargne donc des liquidités,

  • Les privatisations des années 1986-1990 qui également popularisent l’investissement boursier et attirent l’épargne donc des liquidités,

  • L’apparition des billets de trésorerie (1985 ?)permettant la désintermédiation,

  • La création des produits dérivés (Matif en 1986 ou 1987),

  • La déréglementation des placements financiers (liberté de fixation du taux d’intérêts et des durées de placement),

  • L’apparition de dettes mezzanines (TSDI par ex) rendant plus floue la distinction capitaux propres/dettes,

  • La baisse des taux d’intérêt qui incite à s’endetter,

  • La multiplication des LBO et des OPA qui s’appuient sur cet argent pas cher et permettent des montages acrobatiques permettant à de « petits acteurs »de s’attaquer à de plus gros,

  • Montée en puissance de la problématique des cash-flows (free cash-flows à partir de 1986, mais aussi tableaux de flux financiers en 1886 aux US et 1988 en France),

  • Comme corollaire, on voit apparaitre massivement les banques d’affaires. Les françaises sont présentes historiquement (Suez, Paribas, Lazard..) mais viennent s’y ajouter les Goldman Sachs, Lehman…. Elles interviennent pour faciliter l’émission de dettes, proposer des montages de hauts de bilan (TSDI par ex), proposer des fusions en proposant des cibles, accompagner les FUSAC, commencer à proposer le recours aux places off-shore (cf. note chez Saint-Gobain),

  • L’apparition de réflexions sur les règles de gouvernance qui tout en rendant plus transparentes le fonctionnement des grandes entreprises, les rendent aussi plus vulnérables à des tentatives de prises de contrôle,

  • Le discours sur la création de valeur (EVA avec Stern et Stewart en 1990, Valuation de McKinsey),

  • Discours sur l’inutilité des conglomérats car les analyses financiers peuvent gérer eux-mêmes le risque grâce au modèle du CAPM/Se faisant on transfère le risque qui devient maximum des entreprises pure players.

Comme le souligne Beffa dans un de ces discours de la fin des années 80, les stratégies des entreprises sont « leveragées » par cet afflux d’épargne. Elles permettent plus d’audace en croissance externe et permettent l’internationalisation consécutive à l’ouverture des pays de l’est et de l’Asie. Notamment les prises de contrôle deviennent une stratégie banalisée de développement des compétences (plutôt que de patiemment investir en R&D).

Plus tard, notamment avec l’arrivée des IFRS, les “Financialised instruments will be defined as instruments incorporating models and representations specific to finance, the financial economy and financial mathematics” (Chiapello)

Mais si cette montée en puissance de la finance crée des opportunités, on crée aussi des contraintes et gare à l’entreprise qui pour diverses raisons est devenue trop dépendante d’un acteur externe :

  • Absence d’actionnaires de référence qui protègent des marchés,

  • Chocs ou erreurs stratégiques qui obligent à se refinancer aux conditions parfois draconiennes des marchés,

  • Cours faiblard qui transforme l’entreprise en cible facile à viser car l’argent de l’acquisition est peu coûteux.

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