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Ma vie en Hacker House ...


Installer sa start-up dans une maison et y faire vivre et travailler ses salariés, voilà le pari surprenant des Hacker Houses. Reprenant les codes de la culture geek (comme par exemple le fameux « mythe du garage » associé à la création d’Apple ou d’Hewlett Packard), ce concept est apparu dans la Silicon Valley au début des années 2000 où il a connu un fort engouement (étroitement lié à la hausse du prix des logements en Californie). En France, la start-up Seed-Up a été la première à reprendre le modèle des Hacker House en ouvrant une première maison en 2015, en banlieue parisienne.

Dans les faits, en France, ces communautés réunissent une dizaine de personnes, majoritairement des jeunes issus des grandes écoles françaises (ESSEC, Les Mines, Centrale, etc.), autour de plusieurs projets de création d’entreprises. Les dépenses quotidiennes et le logement sont entièrement financées par des missions de conseil ou par des prestations effectuées auprès de grandes entreprises – ce qui mobilise environ 30% du temps de travail des colocataires. Le reste du temps est alloué au développement des projets internes au travers de petites équipes pluridisciplinaires.

Les motivations des colocataires de Hacker Houses sont multiples. Côté start-ups, financièrement d’abord, le prix au mètre carré d’un logement habitable est parfois inférieur au prix des locaux commerciaux, d’autant que ces Hacker Houses à la Française sont bien souvent situées dans des villes dortoir de banlieue où peu de start-ups ont l’habitude de s’installer. Au-delà de l’aspect financier, ces environnements singuliers sont perçus comme étant particulièrement stimulants pour entreprendre et faciliter l’innovation : ils abolissent toute relation hiérarchique entre les collaborateurs, facilitent la communication et créent un espace où l’entraide et la convivialité semblent plus naturelles. Par ailleurs, en abolissant la frontière entre vie privée et vie professionnelle, l’employeur peut implicitement mais considérablement augmenter le temps de travail avec des bureaux ouverts 24h/24h, week-ends compris. Pour une jeune entreprise en création, tout ceci doit permettre d’accélérer le processus de création. Enfin, ce concept est un argument de taille pour attirer les meilleurs talents en leur proposant un environnement qu’ils ne retrouveront nulle part ailleurs.

Côté colocataires, les motivations sont encore plus nombreuses. Encore une fois, l’aspect financier est déterminant puisqu’ils n’ont à payer ni le logement ni les frais du quotidien et peuvent même toucher un salaire. Dans un contexte de loyers très élevés à travers toute l’Ile de France et les grandes villes de province et de difficultés pour les entrepreneurs à accéder au logement (instabilité des revenus, nécessité d’avoir un garant et un contrat d’assurance, etc.), il s’agit là d’un argument non négligeable. Comme évoqué précédemment, les Hacker Houses à la française permettent par ailleurs de bénéficier d’un environnement propice à l’innovation et à la créativité, de bénéficier de l’aide d’autres personnes pour développer ses projets, d’annuler les temps de transports et de se lier d’amitié avec d’autres entrepreneurs qui partagent les mêmes valeurs.

Enfin, et il s’agit d’un élément essentiel, cette nouvelle forme de travail semble être une réponse aux aspirations de la génération Y : autonomie dans le travail et dans son organisation, faible niveau de hiérarchie, liberté, envie d’entreprendre sans passer par d’innombrables strates de validation, etc. Finalement, cette idée est résumée par le cocréateur de Seed-Up lors d’un Ted Talk : “ [celui qui nous fait rêver] ce n’est pas celui qui pendant 30 ans a gravi les échelons un par un dans sa boîte. Nous, c’est Mark Zuckerberg et ses potes. Les mecs ont 20 ans, ils arrêtent l’école, ils se prennent une villa, ils se lancent sur une idée, et ça marche”.

En réunissant sur un même lieu vie privée et vie professionnelle, ces nouveaux modes de collaboration débridés et hors des frontières traditionnelles de l’entreprise visent à réinventer les relations au travail et dans le travail, favoriser la créativité, accélérer le développement des projets et répondre aux nouvelles attentes de la génération Y. Il demeure des faces plus sombres de ce dispositif. L’équilibre vie professionnelle / vie privée vole potentiellement en éclat. Cela va au-delà du télétravail puisque les collaborateurs avec lesquels on échange sont hébergés sur le lieu de travail. Sans garde-fou et probablement beaucoup de régulation sociale, on petit déjeune travail, on déjeune travail, on dîne travail et l’on rêve travail ! Les garde-fous sont probablement à rechercher pour partie du côté du droit du travail. La loi est en la matière encore un peu en retard, peinant à envisager le télétravail et n’ayant que très récemment considérer le droit à la déconnexion. Les gains de productivité sont difficiles à évaluer et à démontrer. D’autres formes d’innovation managériale et RH, telles que le BYOT (Bring Your Own Team!) parient sur une socialisation rapide sans les défauts des Hacker Houses (l’entreprise embauche une équipe prête à travailler ensemble en toute cohésion car déjà constituée par le passé sur d’autres projets).

Article préparé et écrit par l'une des deux équipes championnes du Challenge Veilleur de l'Observatoire 2019 en Master Business Transformation de l'Université Paris-Dauphine.

Equipe composée de Oscar Chaput, Myriam Crespi, Yolaine Floréan

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