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POULT ou le biscuit... à l'envers

L'entreprise libérée est sensée libérer les énergies grâce à la transparence, la confiance, l'autonomie. L’un des postulats de base est que l'organisation est plus performante si les opérationnels sont autonomes. Dit autrement, l'autonomie et l'esprit d'initiative sont des antécédents de l'efficacité.

Poult est un groupe fondé en 1883, spécialisé dans la fabrication de biscuits. Son système de management est basé sur cinq actions ou principes clés : la constitution d’équipes transverses, la transformation du rôle de l’encadrement intermédiaire en fonction support, l’adoption de mécanismes intégrateurs fondés sur la transversalité, l’auto-organisation des opérationnels et enfin, le recours à différents dispositifs internes d’appui à performance.

Le système est le fruit d’un processus de transformation de l’entreprise, concrétisée dans le plan « Force Vision Action » et initié à partir de 2007. Il est porté par les dirigeants de l’époque, qui ont du faire face à une crise financière grave survenue en 2006. Etait alors programmé le licenciement d’un gros quart de l’effectif sur le site principal de Montauban, provoquant de vives tensions avec les organisations syndicales et nécessitant une remise en question globale du management de l’entreprise et de sa stratégie. Afin de ressouder les différentes parties-prenantes, une grande conférence de réflexion fut organisée (à la façon d’un « World Café ») sur le site de Montauban où la vision du groupe fut collectivement discutée et réécrite.

L’équipe constitue l’unité fondamentale de l’organisation Poult et c’est probablement dans la structuration des équipes qu’est sa singularité. Plusieurs types d’équipes :

  • Les communautés d’expertise (ressemblant à des équipes fonctionnelles),

  • Les équipes stratégiques (en charge de l’allocation des ressources humaines, 
l’allocation des CAPEX, la rémunération des cadres, la prospective, etc.) ; la composition des équipes stratégiques se fait par cooptation. Une partie des membres entre et sort chaque année (4 membres, mais le nombre est variable, sortent et sont remplacés).

  • 6 ou 7 équipes « familles » : ces équipes sont chacune composées d’une douzaine de personnes issues des différentes parties de l’entreprises et différents sites (mélange de
cadres et non cadres).

Les équipes fonctionnent avec un modèle de leadership tournant. Les leaders ne sont pas toujours les mêmes. De plus, chaque employé peut être présent dans plusieurs équipes assurant ainsi une meilleure intégration organisationnelle. Les ouvriers (constituant 80% des salariés) n’ont plus de chef de production et jouissent d’une autonomie quant au choix de positionnement sur tel ou tel poste (et selon les besoins du jour) mais aussi par rapport à la gestion de leurs congés. Pour contribuer un peu plus à l’intégration du système de management, il existe un système de formation transverse assuré par la « Poult Académie », un programme « start-up » (d’intrapreneurship), un incubateur interne, un système de parrainage/coach/mentoring et un ensemble d’outils (évaluations à 360 degrés, systèmes de feedback, etc.).

Avis de l’Observatoire : Le « lâcher prise de la parcelle de pouvoir », la transparence, le droit à l’erreur et à l’expérimentation, l’égalité intrinsèque (chacun a une voix et chacun se voit donné les moyens pour participer à la décision) sont des caractéristiques de l’entreprise selon la notion en vogue « d’entreprise libérée ». Le fonctionnement des équipes chez Poult assume d’aller vers ces caractéristiques.

Dans un article célèbre “One more time, how do you motivate your employees?”, F. Herzberg montre, il y a environ 40 ans, les bonnes propriétés de l’enrichissement des tâches et de principes de management fondés sur la confiance et l’autonomie et non sur le contrôle, la surveillance et la sanction. Par ailleurs, les équipes développent des capacités à s’auto organiser, à se réguler qui peuvent être positives. Les normes sociales développées sont déterminantes et l’enjeu pour des entreprises s’appuyant sur l’auto régulation, est la mise en place de processus de socialisation efficace (au sens de l’intégration de normes sociales).

Il y a potentiellement un effet Hawthorne qui a pu jouer dans le système de management mis en place chez Poult. Les salariés se sont sentis l’objet d’une attention particulière et des comportements vertueux se sont mis en place (il faut d’ailleurs ici discuter de l’affichage qui a pu être fait en interne du système de management dans sa globalité). Ce ne serait donc pas tant le contenu du système mis en place que la façon dont il a été mis en place qui serait intéressant.

Enfin, le système de management Poult évoque bien sûr les utopies managériales du 19ème siècle. (cf. familistère de Godin). Néanmoins, ces expériences ont montré autant les vertus de l’auto régulation que ses limites : le poids des hiérarchies tacites et normes sociales implicites, les pressions sociales conduisant à des comportements de surveillance mutuelle, etc.

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